« (…) La chose se compare en effet à un pendule : la force nécessaire à la montée est utilisée lors de la descente en tant que force de chute. Tout comme la force contraire est accumulée dans la descente et sera ensuite utilisée pour la montée, il en est de même pour l'histoire de l'humanité, soumise à une succession de rythmes. Vous pouvez, pour une période donnée, trouver l'ordre social le plus parfait, ou même n'importe quel ordre; une fois réalisé, il s'épuisera et conduira après quelque temps de nouveau à la confusion. La vie de l'évolution ne suit pas un cours ascendant régulier, elle est soumise à des flux et des reflux, à un mouvement ondulatoire. En réalisant sur le plan physique ce que vous pouvez élaborer de mieux, vous appelez les conditions qui au bout d'un certain temps entraîneront l'anéantissement de ce que vous avez organisé. L'humanité se porterait autrement si l'on reconnaissait comme il se doit la loi inexorable de cette nécessité dans le devenir historique. On ne croirait pas pouvoir instaurer un paradis sur la terre au sens absolu du terme, mais on se verrait contraint d'envisager la loi cyclique qui régit l'évolution de l'humanité. Et tout en excluant une réponse absolue à la question : quelle forme donner à la vie sociale ? , on fera ce qui est juste si l'on se demande ce qui doit être fait pour notre siècle. Qu'exigent précisément les impulsions de notre cinquième époque postatlantéenne ? Qu'est-ce qui cherche à se réaliser ? En étant conscient que ce qu'on réalise sera nécessairement détruit lors de la révolution cyclique, il faut bien savoir qu'on ne peut penser sur le plan social que de cette manière relative, c'est-à-dire en reconnaissant les impulsions d'évolution d'une période donnée. Il faut travailler avec la réalité, et c'est travailler contre elle que de croire qu'on peut réaliser quoi que ce soit avec des idéaux abstraits et absolus. Pour l'investigateur de l’esprit qui veut envisager la réalité, et non l'illusion, la question se réduit à ceci : Qu'est-ce qui cherche à se réaliser là, maintenant, dans la réalité présente »
Dornach, 1er décembre 1918 – GA186