Ces dernières années, de nouveaux outils pour aider l'installation de nouveaux producteurs ou pour pérenniser des fermes existantes sont apparus. Ils prennent la forme d'achats collectifs de terres (par exemple, au moyen de la création d'une coopérative à finalité sociale, voir à ce sujet les associations « Terre de Liens » en France et « Terre en vue » en Belgique).
Cependant, dans ces initiatives, le transfert du droit d'usage de la terre (on peut y inclure les bâtiments agricoles) en tant que moyen de production n'est pas totalement libéré de l'influence du circuit économique-marchand pour ne dépendre que des seules dispositions juridiques élaborées au sein de l'État. En effet, les coopérateurs achètent des « parts de terres », représentées par des parts financières au sein de la société coopérative, qu'ils peuvent à l'occasion vendre et dont ils peuvent éventuellement tirer un certain profit (dividende ou ristournes) bien que limité dans certains cas. Le pouvoir économique lié à la possession des actions de la société est toutefois fortement atténué du fait de la souscription des actions par un grand nombre de coopérateurs et de l'application éventuelle du principe « un homme, une voix » au sein de la société coopérative propriétaire des moyens de production.
En Allemagne, existent des associations sans but lucratif (ou des fondations) qui sont propriétaires de domaines agricoles, principalement gérés en agriculture biodynamique. L'association reçoit des dons en argent ou en nature (cela peut aller jusqu'à une ferme entière avec bâtiments et terres) et les donateurs perdent ainsi tout titre de propriété. Une étape supplémentaire dans la « démarchandisation » de la terre et des moyens de production en général est ainsi atteinte.
Le rôle de ces associations sans but lucratif consiste entre autre à :
- Définir les grandes orientations de la gestion du domaine agricole sous la forme d'une charte, et veiller au suivi de celle-ci via un contrat de coopération avec les agriculteurs définissant les droit et obligations des deux parties.
- Assurer la continuité de l'activité agricole en veillant au transfert de la gestion du domaine à des personnes compétentes.
En Belgique, une association sans but lucratif de ce genre (ASBL « Chante Terre ») a été créée en 1993 dans la région de Liège afin d'aider un agriculteur à acheter des terres qu'il risquait de perdre.
Des structures combinant association sans but lucratif (apports de dons, garante de la charte, transfert de droits d'usage, ...) et société coopérative foncière peuvent aussi être imaginées. « Terre de lien » en France et « Terre en vue » en Belgique, en consituent un exemple.
Il est à noter que toutes les initiatives mentionnées ci-dessus, constituent des formes transitoires et provisoires d'une évolution tendant au plein développement de la tri-articulation sociale. Dans un organisme social au sein duquel la tri-articulation sociale serait déjà suffisamment comprise et avancée, il ne serait pas nécessaire d'acheter les terres, biens fonciers et moyens de production pour les «libérer» du circuit économique-marchand.
Note : acheter des terres et moyens de production pour pouvoir ensuite en sortir le droit d'usage du circuit marchand est en soi paradoxal, puisque il faut d'abord poser un acte «marchand» pour qu'ils ne soient plus des marchandises. Une autre conséquence paradoxale réside dans le fait que si de très nombreux achats de terre étaient réalisés par de tels organismes spécialisés pour les «libérer», le prix des terres et biens fonciers en serait d'autant plus augmenté et donc leur valeur (et caractère) marchande augmenterait sur le marché, favorisant encore d'autant plus la spéculation (!). En outre, il faudrait consommer des capitaux extrêmement considérables pour réaliser de telles opérations de rachat qui n'augmentent en rien la production, ce qui aurait en définitive des effets « anti-sociaux » et «anti-économiques» à large échelle.
Dans un organisme social « tri-articulé », les modalités juridiques du transfert du droit d'usage seraient purement déterminées par voie de droit (ce qui requerrait certaines métamorphoses relatives à l'ancien droit de propriété) et excluraient tout forme de possibilité de transfert par un simple acte d'achat marchand.